Foxton : Chroniques.

"...Bands, montres lui."

L'immense armoire à glace répondant au doux nom de Bands réagit sans trop de nervosité. Il hisse lourdement un sac volumineux sur la table séparant les trois hommes, provoquant un bruit de pierres précieuses et de pièces frappant le bois. Un bon quart de son contenu glisse du bagage -trop petit pour la densité de richesse-, dans une cascade brillante et lumineuse. Bands fait quelques pas en arrière, et croise les bras, attendant calmement l'ordre de son maître pour aboyer.

Mais cette quantité de ressource qui continue de tomber de la table n'éfface pas l'air soucieux de vieil homme en face du moloss et de son mentor. Il semble habité par un problème bien plus encombrant qu'un sac de pierres et de pièces, aussi clinquante soit-elles.

"Il y a là, assez de ressources que vous sombriez dans la bouteille pour les dix prochaines guerres !" crache le maître, l'air satisfait de son humour apparement irréprochable.

Mais le paladin qui est assit de l'autre côté de la table ne bronche pas, la main sur le menton, les yeux concentrés, mais ailleurs. La taverne s'est vidée, les torches tamisent la pièces, et le propriètaire veille sagement pour que personne n'interrompt la transaction. Bands bascule d'un pieds à l'autre, visiblement nerveux. Tout est trop long. Son maître, nommé Finding, semble mener un combat mental titanesque pour ne pas céder à la pression et balancer ses quatre vérités à cet ivrogne de vieux fou de paladin !

Le colosse, Bands, décide de rompre le silence.

"Quoi, y'a pas assez ? Le tarif vous convient pas ? On devrait peut-être vous supplier pour que vous..."

La main de Finding se lève, pour couper net les prétentions de son chien. Bands recule encore un peu.

"Naturellement, le compte y est. Vous pouvez vérifier, si vous le voulez, bien que cela ne soit pas d'une grande utilité... Bon, eh bien je crois que tout est en ordre ! Nous allons vous laisser, vous devez avoir du pain sur la planche. Sur ce..."

Finding termine et plaque ses mains sur la table en se levant promptement, avant que le regard de son interlocuteur ne se braque soudainement sur lui.

"Vous feriez quoi, si vos désirs ne pouvaient plus être assouvit par les richesse matériels, mais seulement par des instincts humains ou des émotions puissantes ?"

La phrase du paladin brise le silence comme du cristal. Finding semble réfléchir à toute vitesse, et Foxton croise les bras, confortablement assit sur sa chaise, le regard braqué sur ses clients.

"Je suppose que j'arrêterais de faire ce qui n'assouvit pas mes désirs, et j'opterais pour quelque chose d'autre ?... De plus vrais ?.." la créature garde son sang froid, avec quelques efforts.

Foxton réfléchit à la réponse de ce gobelin pitoyable. Bizarrement, ce qu'il dit n'est pas dénué de sens.

"Je vous fait confiance pour le prix, j'espère que tout y est."

"Bien sûr que tout y est, ne m'insultez pas, grand et perfide humain lumineux." bave le gobelin.

"Je n'ai aucune confiance en ta race, pitoyable ver. J'espère pour toi, que tout y est. J'ai remplis ma part du contrat, j'attends que tu en fasse de même. Sans quoi, eh bien sans quoi... Tu dois t'en douter."

Finding se lève, masquant son malaise.

"Oui, oui, bien sûr, je le ferais. Bands !!! Réveille toi sac à foutre, on s'en va !"

Le gobelin et son acolyte sortent de la taverne, laissant seul le paladin et son butin, renversé au sol et sur la table. Ces petits contrats ne suffisent pas. Rien, depuis ce jour noir dans l'arène, n'a excité ou même fait frétiller Foxton. Bientôt, il devra suivre son instinct, comme à l'époque. Mais pas encore. Le paladin sent bien qu'une faiblesse dévore son âme, et le rend vulnérable. Il s'inquiète, de plus en plus chaque jour. Quelque chose d'anormal s'est produit.

La lame s'abattit.

La nuit se transforma en jour. Une lumière éblouissante recouvra tout le paysage dans les yeux du paladin. Son visage s'écrasa dans le sable de l'arene, et ses yeux se fermèrent. Pour s'ouvrir l'instant d'après dans un cotonneux matelas habillé de draps blancs et d'oreillers en plumes. Une fenêtre qui donne sur une cour baignant dans les lueurs de l'aube, des rideaux de soie bleue. Un ciel somptueux, plus grand que dans tous vos souvenirs.

Foxton semble un peu décontenancé. C'était pas vraiment quelque chose de... prévut. A un moment, dans une arène en train de combattre, puis à l'instant fatidique, le voilà dans un lit acceuillant, bien allongé confortablement, sentant le corp chaud d'une femme près de lui. Les questions se bousculent dans son esprit. Il se redresse brusquement, et découvre le visage endormit d'une... Amie. Amie qu'il croyait morte depuis ce soir. Soudain, la porte de la chambre s'ouvre et laisse apparaître un petit bonhomme qui bondit sur le lit en criant "Aller papa, c'est l'heure, lève toi ! Viens, viens, tu m'as promit !" Au même instant, sa compagne ouvre les yeux et sourit, murmurant "Eh oui, tu lui a promit... Ne te défile pas..." C'est un Foxton décontenancé qui leur répond timidement "Ah... Vous êtes sûr ?..."


*La transformation aurait du fonctionner. Ce petit enfoiré de nécromant va m'entendre. Je vais le démolir. Tout ça... Suis-je mort?*

Aèllys sort du lit, non sans un étrange baiser pour le paladin. Foxton en reste bouche bée. L'elfe est enceinte. Le petit bonhomme tire de plus belle sur le bras de l'homme. "Aller Papa, tu m'as promis. Tu dois m'entrainer aujourd'hui."

Foxton se lève, laissant sa femme descendre avec son fils. Il a besoin d'un instant pour digérer tout ça. Il soulève sa veste. Quelques cicatrices, des brulures... Toutes ces marques sont là. Ce qui veut dire que ce n'est pas totalement imaginaire... Sa chambre est magnifique. Du chêne orne une immense armoire, le plancher, d'une couleur foncé craque sous chaque pas. Une simple table et une chaise sont disposés au pied du lit. Il regarde par la fenêtre. C'est le cadre idéal pour avoir la vie qu'il avait toujours secrètement voulu. Le rez-de-chausser est elfique. Surement pour Aéllys. Elle semble heureuse, tout comme son fils.

Toujours accoudé à la fenêtre, il reste pensif. Son fils le tire de ses pensés. "Papa, tu viens ? On t'attends pour déjeuner." "oui, oui, j'arrive."
Aèllys les appelle d'en bas. "Dépêchez vous tous les deux. Whealliam, va chercher les oeufs dehors. Fox, vient m'aider pour le feu, s'il te plais."

Whealliam ?...

Les semaines passent. La petite famille semble heureuse, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Foxton comprends, que si il veut cette vie dans la réalité, il devra faire des choix en conséquence. Après tout, cette vie là, vaut tout l'or du monde.

Mais un jour, tout change. Le petit garçon Whealliam s'éloigna de la maison. Pas assez pour la horde, assez pour les voleurs et autres pourritures. Il les avaient surprit avec une jeune fille du coin. Par peur d'être dénoncés, les jeunes types qui venaient de finir la fillette s'en prirent au petit gars. Et ne lui firent aucune pitié.

La souffrance que ressentit le paladin n'avait aucun égal. Sa vie s'éffondra. Son fils lui avait montré qu'il pouvait revivre. Ces gars avait détruit les fondations d'une nouvelle vie pour l'ancien meurtrier. La peine submergea tellement l'homme, sa coeur fut si scindé par la perte de son enfant, qu'il se prit à penser qu'il n'aurait pas dû avoir cette vie si "parfaite". Voilà le dilemne imposé.

Faires des choix, et vivre la vie qu'on souhaite. Au moment le plus critique de son chagrin, tout s'effaca. Sa maison, sa femme, le paysage ou il avait vécut pendant des mois.

Dans l'arène, l'épée venait de s'abattre, mettant un point final à la carrière du paladin hors la loi, du guerrier sans pitié, de Foxton. Il s'écroula au sol dans un long râle, son torse béant d'une large blessure. Son regard gris devint vitreux et sa tête roula sur le côté. Mort.


La grotte s'illumina soudain, le dessin du cercle sembla s'enflammer, prendre vie, la lueur ondulait, montait et descendait, tantôt au ras du sol et l'instant d'après jusqu'au plafond. Le prêtre nécromant recula contre la paroi, les yeux écarquillés sur l'événement qui se passait devait lui. Cela sembla durer un temps infini, et puis tout cessa en une fraction de seconde et il n'y eût plus que l’obscurité à peine troublée par les torches du couloir d'accès. Le prêtre nécromant resta bouche bée et puis soudain, il sauta, cria, applaudissant tout seul....