Il y a maintenant près d'une semaine, une escouade de Druides de la Serre patrouillant au nord du Repos du Rêveur, peu après le coucher du soleil, avait détecté une caravane qui tentait de rejoindre subrepticement - alors qu'elle comptait plusieurs dizaines de kodos ! - les terres arides de Désolace.
Les valeureux druides n'eurent aucun mal à identifier parmi les individus qui menaient cette caravane certains des mercenaires Atal'ai, tant ce sombre ramassis de brigands hante régulièrement la région... Les officiels du Bastion de Pennelune ont d'ailleurs, les mois s'écoulant, recueilli suffisamment d'indices leur permettant de nourrir désormais la certitude que les Atal'ai disposent d'un refuge secret dans le nord de Féralas, où ces malfaisants trolls se livreraient à de sombres manipulations vaudous. Les explosions cataclysmiques qui avaient, il y a plusieurs mois, ébranlé les rives de la Côte Oubliée (au point de provoquer une recrudescence du nombre d'Élémentaires marins et d'Embruns qui la hantent, et d'inonder tout l'été une bonne part des caves du Bastion de Pennelune) n'en constituaient que les premiers signes - bien que fort notables.
Toujours est-il que les Druides de la Serre eurent beau consciencieusement préparer l'embuscade dans laquelle ils firent tomber le convoi, la réaction des brigands hordeux fut instantanée, et les rares partisans de l'Alliance qui en réchappèrent regagnèrent le Repos du Rêveur dans un piètre état.
La présence de la caravane fut mentionnée peu après dans la Clairière de Karnum, au cœur des Terres Sauvages Cénariennes de Désolace, où le convoi fit halte. Une arrivée si tardive suscita un peu la curiosité des membres du Cercle Cénarien. Curiosité avivée par l'empressement des caravaniers, qui ne dressèrent pas le camp pour la nuit, mais s'arrêtèrent juste le temps de reposer et abreuver un peu les bêtes... Avec tant de hâte que l'un d'eux bascula avec le kodo qu'il chevauchait dans le bassin situé au milieu de la clairière. Le raffut qui s'ensuivit permit aux druides d'identifier en la personne du caravanier maladroit le sieur Skaduwee Venreti, le chef de ces mystérieux Moires.
Était tout aussi suspect le secret que les convoyeurs souhaitaient visiblement garder autour des marchandises transportées - les gros bras de la caravane, lourdement armés, s'assuraient d'un regard, voire d'un mot peu amène, lorsque leur regard n'y suffisait pas, que nul ne s'approchât des bêtes de somme. Quelque soit la dose de curiosité dont pouvaient bien être affligés les habitants de la Clairière de Karnum, une remède miracle à celle-ci était d'être scruté du regard bovin vide de toute humanité (mais pas de toute cruauté) de cet imposant tauren noir - que plusieurs connaissaient de vue, et dont on connaissait la sinistre réputation d'âme damnée de longue date de Ryzzik Trognesou, constituait un remède miracle.
Devant le risque, et les bouches cousues des caravaniers (l'aubergiste Dessina offrit même plus que sa part de tournées à un Atal'ai de sa connaissance dont le goût pour l'alcool était de notoriété publique, mais sans parvenir à obtenir de sa part la moindre indication), peu s'essayèrent donc à découvrir la nature de la cargaison convoyée par ce regroupement d'Atal'ai, de Cognesous et de Moires. Pourtant, tout transport de marchandises dans lequel étaient impliquées ces organisations ne pouvait qu'être suspect.
Les Atal'ai avaient derrière eux un lourd passif en ce qui concernait la contrebande ; on raconte même que, à l'époque où leur avait été confiée la charge de la garde du Séjour de l'Honneur, ils auraient permis à des ennemis acharnés de la Horde - la Kapitalrisk et les Totems-Sinistres - d'y faire passer une contrebande honteuse, et plus que contraire aux intérêts d'Orgrimmar. Quant à l'Union de Cognesou...
Le passage de la caravane fut aussi remarqué en plein milieu de la nuit à la Retraite de Roche-Soleil, et le déroulement de la halte qu'y firent les convoyeurs fut similaire, si ce n'est que les contacts avec les habitants du cru furent encore plus restreints, en partie en raison de l'heure tardive (ou précoce, selon les points de vue).
Il semblerait qu'une partie des caravaniers s'y soit un peu enivré, au vu du raffut qu'ils y ont fait, mais nul tauren de la Retraite de Roche-Soleil ne s'est senti d'humeur à aller partager leur feu de camp.
C'est quelques heures avant l'aurore que ce fait-divers prit une tournure plus intrigante encore. Les soldats de l'Alliance et de la Horde qui s'affrontent encore sporadiquement à l'ouest du Séjour de l'Honneur pour le contrôle du Val de Grandbois ont soudain été alertés par des explosions en chaîne dans les ruines du camp Arapaje. Peu après, de hautes flammes tantôt bleutées, tantôt verdâtres s'en sont élevées.
Les premiers arrivés à proximité, des soldats de la Horde menés par des combattants de l'organisation appelée "Les Archivistes", tombèrent sur ce qu'il restait de la caravane. Une demi-douzaine de kodos affolés, dont trois étaient tenus par la longe par un troll complètement chauve (et dont les goûts vestimentaires étaient sans doute les plus détestables ayant existé depuis que la mode dite "Diss'ko" avait été abandonnée à la cour de la reine Azshara), qui, malgré ses plaies et ses bosses semblait particulièrement content de lui, se réjouissant parce qu'il avait réussi à sauver une partie de la caravane.
Ses compagnons d'infortune semblaient bien moins ravis de la situation. Ils avaient visiblement mené de rudes combats, et essuyé un cuisant échec. La plupart étaient plus ou moins sévèrement blessés, et aucun ne s'en était sorti sans égratignure.
Un des archivistes ayant découvert les caravaniers aurait témoigné : "Ces types-là, ils venaient de se prendre une sévère branlée. Du genre qui t'laisse un arrière-goût d'fondement tout défoncé. Ça se sentait. Ils en étaient au moment où tu t'demandes si tu vas prendre tes cliques et tes claques, pédéhèfe à Orgri et t'coucher, ou si tu vas transformer ton seum en bonne rage, et qu'tu vas retourner sur l'champ d'bataille botter leur p'tit trou du cul à ces enfoirés d'allys.
Ben, y z'étaient plutôt partis pour la première solution, vu leurs tronches...
Pis y a un loup fantôme tout pouilleux - sérieux ! la bestiole avait des puces assez grosses pour qu'j'les voie, et suffisamment nombreuses pour qu'leur danse sur son dos attire l'œil - qui a arrêté de lécher ses plaies. Y s'est transformé en un p'tit troll roux... Vraiment tout p'tit, hein ! Et puis, il a balancé quelque chose en zandali à ses potes, tout en sortant de sous son gilet un gros morceau de viande séchée qu'il leur a agité sous l'nez.
J'y ai rien compris, mais ça avait l'air vraiment d'un bon truc, parce que le petit rouquin pissait le sang d'un sacré nombre de plaies, et que ses engelures étaient si profondes qu'il y avait des morceaux de barbaque qui lui étaient tombés, pourtant le type avait l'air de pas s'en préoccuper.
Il avait l'air d'être parti pour castagner l'monde entier. Et les autres trolls, ils étaient pas plus beaux à voir, pourtant, ils se sont mis à sourire jusqu'aux oreilles... Bon, faut dire, tell'ment de crocs mis à nu, quand t'es fait d'os, et surtout de chair, c'est pas non plus très beau à voir...
Toujours est-il que, le p'tit rouquin - Zal'kohm, qu'il s'appelait -, il s'est adressé aux autres convoyeurs, et il leur a parlé d'une histoire de mojo pas entièrement perdu. Et qu'il fallait surtout retourner récupérer ce qui pouvait encore l'être aux pognes des Allys.
Ça, qu'il allait y avoir de la baston, mes copains et moi on l'a bien compris, alors on s'est j'té sur l'occaz', et on leur a proposé notre aide, à ces types. Qu'y z'ont vite fait acceptée... Vraiment dommage que l'gros des Allys se soit barré entretemps, sinon on leur aurait mis une sacrée pell'tée.
Les deux pelés et trois tondus qui restaient dans les ruines, ça nous a pas vraiment amusés longtemps de les tuer.
En plus, bordel, c'que ça puait les trucs qui cramaient là, maint'nant qu'on était tout près."
Ce que constatèrent les troupes en garnison au Séjour de l'Honneur, alertées par les explosions et les incendies étranges déclenchés dans les ruines d'Aparaje, c'est que les combattants à leur origine, était une coalition réunissant l'Arcanum Sanctus, Brumes, Alpha Orionis et Hurlevent. Ils le constatèrent lorsque le commando victorieux déboula dans le fort en reconstruction, bien décidé à s'y mettre à l'abri.
Mais le branle-bas décrété au Séjour de l'Honneur à l'annonce par les aventuriers de l'Alliance d'une attaque imminente de séides de la Horde fut inutile. Ceux-ci s'étaient contentés de rassembler les kodos qui pouvaient l'être ainsi que de récupérer les quelques fûts de ce qui constituait leur énigmatique cargaison (cargaison qui demeura tout aussi énigmatique alors, car si les caravaniers ne se montrèrent pas avares en remerciements pour leurs compagnons hordeux, ils ne répondirent à aucune question des Archivistes sur le contenu de ces fûts), pour repartir en contournant le Séjour de l'Honneur par la Haute Route et la Colline du Chasseur.
Les Archivistes et leurs hommes abandonnèrent le convoi alors que celui-ci engageait la traversée d'ouest en est des Tarides et qu'il devenait évident que celui-ci ne subirait pas une autre attaque des forces de l'Alliance, ou du moins de celles qui l'avaient attaqué dans les Serres Rocheuses.
Celles-ci durent bien convenir avec le capitaine Peake que l'assaut de la Horde sur le Séjour de l'Honneur qu'elles avaient annoncé ne surviendrait pas dans l'immédiat, au vu du peu de mouvement à l'ouest.
Devinant la manœuvre faite par le convoi, le commando des coalisés allianceux repartit en chasse, bien décidé à surprendre les éventuels retardataires du convoi. Mais ils ne surprirent même pas les taurens gardant la Colline du Chasseur, avec lesquels s'engagèrent des combats qui durèrent jusqu'à ce que les combattants de l'Alliance se décident à abandonner leur chasse.
Pendant ce temps, la caravane s'était colletée à l'est du Lacis avec les hommes du caporal Teegan, qui, selon les mots même du sous-officier de l'Alliance, avaient bien vite décroché tant les Hordeux, bien remontés, s'étaient jetés sur eux avec sauvagerie.
La matinée était encore peu avancée lorsque le convoi arriva à Cabestan, aux quais duquel l'attendait un navire n'arborant aucun pavillon, mais dont les cogneurs interdisaient l'approche. La caravane ne fit même pas de halte dans le port, mais ses kodos se contentèrent de s'engager sitôt arrivés en file sur la passerelle du navire, qui leva l'ancre sitôt le dernier bestiau à bord.
Aucune question n'y fut posée. De toutes manières, aucune réponse n'aurait vraisemblablement été donnée, tant l'anonymat du navire et de la caravane avaient été cordialement préservées par les autorités du Cartel Gentepression.
Gazleu devait avoir encore touché un joli magot.
Mais que magouillent - encore - les Atal'ai et leurs complices ?
Et... Après tout... On a beaucoup jasé au Séjour de l'Honneur sur le fût que nombre de gardes du fort des Tarides ont vu un gnome portant le tabard de l'Arcanum Sanctus serrer amoureusement contre son cœur, à l'arrivée du commando composé de membres de son organisation, des Brumes, d'Alpha Orionis et de Hurlevent.
Alors que magouillent - aussi - les Arcanum Sanctus ?