Jordiah Mower

Jordiah Mower,
Les Abysses de la Raison


Prologue : Dernier souffle

Le ciel était voilé cette nuit là, la pluie s’abattait violement sur Gilnéas, comme souvent dans cette contrée grise et triste des Royaumes de l’Est. Les quelques mendiants qui traînaient sur la route ne purent que remarquer la silhouette encapuchonnée qui courait à grande foulées vers le village de Pierrebraise et qui semblait fuir une menace terrible.

Fuir. Oui, fuir et s’en aller, survivre, quitter cet endroit maudit, c’étaient les seuls mots qui résonnaient dans l’esprit du jeune homme assailli par les trombes d’eau, balayé par le vent du nord. Jordiah n’avait plus qu’une chance de sauver sa vie. Son maître, Vitus Sombremarcheur, l’avait exhorté à partir vers le nord-est. C’était, disait-il, le seul moyen d’échapper au funeste destin qui planait sur la ville. Entre les worgens, créatures lupines et sanguinaires, qui avaient mis à sac la ville et l’armée morte-vivante de Lordaeron, Gilnéas, qui n’avait jamais été une terre très accueillante, devenait soudain aussi enviable que les confins du Néant Distordu.

Bien sûr, Jordiah avait eu une famille, et même deux dans son cas. Âgé de 8 printemps, il avait été témoin de la fin de sa mère, battue à mort par un père ivrogne qui sombra dans un coma dont il ne sortirait jamais sitôt son crime accompli. Le petit gilnéen avait fui, cherchant à échapper à la peur.

Mais il fut recueilli plus tard par deux pauvres habitants du village de Pierrebraise Durant dix ans, il avait travaillé comme une bête dans la mine pour pouvoir vivre de ses maigres revenus. Mais le travail épuisant, la pauvreté oppressante et la misère de son village lui firent prendre la route de la ville, la grande et fière Gilnéas. Il avait travaillé comme serveur dans une auberge, il avait fait l’entretien des rues pavées, gardien de nuit dans les propriétés des nobles. Puis le destin, implacable, s’était imposé à lui. Vitus Sombremarcheur et la magie noire avait croisé la route du jeune homme alors âgé de 23 ans qui devint alors apprenti auprès de l’érudit.

Mais tout était fini, du moins pour l’instant. Il fallait retrouver son village et récupérer ce qu’il pouvait pour quitter Gilnéas par la mer. Il irait voler une embarcation puis se débrouillerait pour mettre les voiles depuis les confins de la tourmente jusqu’à trouver un abri sûr loin de Gilnéas. Il allait survivre. Il devait survivre.

Lorsque, à bout de souffle, Jordiah arriva à Pierrebraise, il ne trouva pas ce qu’il pensait. La ville n’était pas en ruine comme d’autres hameaux, mais une atmosphère lourde et une insidieuse odeur de mort planaient entre les vieilles bâtisses. Le gilnéen ne s’arrêta que lorsque la place centrale fut en vu. Mais encore une fois rien de vivant ou de mort.

Des non-vivants. Des réprouvés, comme on les appelait. Leur réputation n’était plus à faire en Azeroth. Seulement, les sujets du Roi Grisetêtes, isolés du reste du monde, n’avaient pas vu de telles abominations depuis l’attaque du Fléau sur Lordaeron, si bien que lorsque les espions de Crowley avaient fait leur rapport, la peur avait secoué chaque fibre des gilnéens. Et ces cadavres animés avaient investi Pierrebraise. Mais Jordiah n’eut pas le temps de réaliser qu’il fallait fuir, deux guerriers à la peau flétrie et aux yeux jaunes l’empoignèrent pour le trainer dans la boue. Une silhouette leva ce qui semblait être une masse. Noir Total.

***

Au même moment, les troupes réprouvées consolidaient leur emprise sur la porte du Mur de Gilnéas, menées par Garrosh et ses orcs. Sylvanas, qui jusqu’ici était en Norfendre, revint sur ses terres pour sauver son peuple du massacre qui les attendait. Et, enfin, les défenses du légendaire mur cédèrent entièrement.

***

- Amenez-les ! Amenez-les tous ! Faites sortir ces pouilleux de la mine et apportez-les moi ! Rugit une voix éraillée et sortie d’une fosse qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Un soldat aux cheveux plaqués sur une face décomposée et rongée par les vers s’inclina devant le Réprouvé qui braillait ses ordres.

-Exécuteur, nous avons préparé le prisonnier. Nous attendons vos instructions.

-Eh bien allez chercher Valnov ! Qu’il sache que nous avons trouvé un nouveau cobaye.

-Tout de suite Exécuteur !

Le Réprouvé de Pierrebraise regarda son soldat s’écarter avant de poser de nouveau son regard sur le jeune homme étendu à ses pieds. Le cobaye avait été repéré sur la route par deux des Nécrotraqueurs de Belmond. Et il tombait au bon moment, ces méprisables larves humaines qu’il avait envoyées à la mine lui posaient problème. Bien sûr, il aurait apprécié de les massacrer jusqu’au dernier, mais les ordres sont les ordres et la machine de guerre réprouvée avait besoin de prisonniers à réduire en esclavage. Cependant, les gilnéens ont toujours été une épine dans le pied pour ceux qui les côtoyaient, pensait-il, et les petites révoltes qui agitaient la mine commençaient à se faire trop nombreuses. Mais il avait la solution, et elle était là, à ses pieds.

-Exécuteur, vous m’avez fait demander ? lança une voix ponctuée de déglutitions répugnantes et de raclements de gorge.

-Valnov, vous voilà enfin ! Vous allez pouvoir vous divertir un peu !
-Avec cette chose ? dit-il en désignant Jordiah de son doigt décharné.

-Oui, apothicaire. Je voudrais que vous offriez un spectacle à nos chers prisonniers. Un…avertissement en quelque sorte…je veux que vous leur montriez que personne n’est immunisé contre notre peste. Et peut-être qu’ainsi ils comprendront qui dirige ici et quel est leur rôle ici.

-Parfait, susurra le non-vivant vêtu d’une blouse tachée de sang et d’ichor, attachez le sur le poteau là-bas et demandez à vos soldats de placer les humains devant. Je me charge du reste, de la partie pratique.

En dix minutes, des dizaines d’hommes et de femmes enchaînés s’entassèrent devant le triste spectacle qu’offrait Jordiah, qui se réveillait, pieds et poings liés, attaché à un poteau. Comme pour marquer l’évènement, la pluie redoubla d’intensité, ruisselant sur les armures de l’armée putride et sur la peau couverte d’hématomes des prisonniers.

-Misérables ordures, pauvres raclures que d’autres nomment fiers gilnéens ! Soyez honorés qu’un représentant de la Dame Noire daigne vous adresser la parole ! Sachez que nous n’apprécions pas que vos pitoyables existences soient à notre charge, vous tuer serait plus facile. Nous vous épargnons. Mais au lieu de nous remercier en travaillant, vous osez vous plaindre et vous rebeller ! Alors celui des vôtres que vous voyez là-bas va vous montrer l’exemple. Valnov, à vous !

L’apothicaire s’avança vers Jordiah, une fiole verte à la main et un rictus malsain lui traversant ce qui restait de son visage. Mais le jeune homme, certain de mourir, cracha à la face du réprouvé.

-Aaaaah…la fierté gilnéenne, soupira Valnov avant de reprendre plus haut cette fois, Regardez ce qu’il en coûte de nous défier ainsi !
La main décharnée se leva, puis la fiole tomba avant de se briser aux pieds de l’humain.

Tandis que Jordiah se tordait, suffocant et hurlant dans un nuage de gaz vert, les prisonniers détournèrent les yeux, les femmes étouffèrent des sanglots amers en pensant au sort qui les attendrait peut-être. Cette nuit là, dans la lueur blafarde des lanternes de Pierrebraise, une vie avait été prise au royaume de Gilnéas, et d’autres avaient été brisées.

Jordiah n’était plus vivant. Mais il n’était pas mort. Il était devenu l’un d’eux.

Chapitre I : Lève-toi et marche

-Debout maintenant ! La Dame Noire vous offre une autre chance de vivre, vous pouvez choisir de la servir et d’être sous la protection des Réprouvés ou bien vous affranchir de toute appartenance à notre nation. Sachez cependant que la deuxième option ne vous garantit pas la vie sauve.

Ce fût par ces mots que Jordiah fût arraché à son sommeil, en apparence létal. Après avoir réussi à bouger et à se relever parmi d’autres cadavres pas aussi bien conservés que lui (sûrement des soldats gilnéens tombés au combat), il contempla la grande silhouette éthérée et féminine qui lévitait à quelques mètres de lui. Sans chercher à savoir ce qu’était la créature, il commença à se souvenir de sa vie passée, de sa capture. Mais plus particulièrement, ce furent ses cours de magie noire sur les démons et la nécromancie qui lui revinrent à l’esprit. Alors seulement, il comprit. Il réalisa ce qu’il était devenu : une ordure infâme, une abomination contre nature, un Réprouvé. Mais malgré le profond sentiment de dégoût qui lui nouait l’estomac –ou ce qu’il en restait- il pensa à sa misérable condition passée, il se remémora toutes les souffrances qu’il avait dû endurer, son travail à la mine qui, au lieu de l’aider à vivre, lui brisait le dos et l’âme chaque jour qui passait, il se rappela comme les gilnéens l’avaient traité, lui, le miteux. Et alors, après une minute qui lui parut une éternité, il décida enfin de la vie qu’il allait mener. Il allait choisir de vivre, bien que ce fût une vie étrange qui l’attendait.

-Je…je choisis de servir celle que vous appelez la Dame Noire, j’accepte de faire partie des vôtres, réussit-il à articuler avec maladresse.

-Alors qu’il en soit ainsi, puis elle s’adressa aux autres ressuscités, Voyez votre frère prêter allégeance et jurer fidélité à Sylvanas Coursevent et aux Réprouvés, voyez comme la voie qu’il emprunte est noble. Suivez votre frère, allez vers votre peuple ! Quant à toi, dit-elle en s’approchant de Jordiah, va rejoindre nos recenseurs et présente toi à eux.

Le nouveau réprouvé acquiesça avant de se diriger vers la file de cadavres ambulants désignés par la créature. Après avoir attendu que son tour vienne, il réussit à faire face aux recenseurs.

-Alors comme ça les Val’kyrs nous envoient des nouveaux hein ? Plaisanta un des sinistres personnages ; tu m’as l’air pas trop mal, voyons voir dans quel état tu es dedans…Nom et Prénom ?

-Mow…Mower, Jordiah Mower, dit-il après avoir hésité

-Ben c’est déjà pas trop mal hein Lloyd ? dit l’autre, une réprouvée au visage terne et aux orbites vides.

-Ouais, Monik, il peut comprendre des ordres alors, c’est déjà ça. Vous savez faire quoi ?

-Eh bien, commença le nouveau venu, j’ai appris à cueillir des plantes pour certaines potions et j’ai étudié la magie noire avec un invocateur de démons.

-Bah c’est parfait ça, s’enthousiasma la femme, un démoniste doublé d’un apothicaire. Allez, vendu ! Bienvenue au front Réprouvé de la Forêt des Pins Argentés !

Après avoir griffonné sur un parchemin, le recenseur tendit à Jordiah une lettre scellée dans laquelle il avait glissé un document de renseignement. Monik lui montra alors un groupe de réprouvés qui s’équipaient, et l’enjoignit à aller se préparer lui aussi, puis elle l’emmena voir un maître démoniste. Le sorcier reçut des instructions de la réprouvée puis apprit quelques sorts à son nouvel élève, sorts qui lui serviraient dans peu de temps…

Le cor sonna, les troupes déjà formées se rassemblèrent en colonnes, déjà habituées à se placer et à s’organiser. Les recrues quant à elles furent réparties dans différents groupes. Lorsque le cor sonna une deuxième fois, les créatures que Jordiah avait vues, les Val’kyrs, arrivèrent au loin. Dès que la silhouette encapuchonnée qui les précédait fût à la hauteur des troupes, chaque soldat s’agenouilla et la mer de non-vivants s’abaissa, comme secouée par une seule et même vague. Tous s’étaient inclinés devant la Dame Noire. Ils n’étaient pas les premiers, et ils ne seraient sûrement pas les derniers à servir Sylvanas Coursevent, la Reine Banshee, celle qui avait libéré les soldats du Fléau pour leur offrir une meilleure existence, plus libre, celle qui tenait Lordaeron d’une main de fer pour son peuple.

L’ancienne ranger elfe, même si sa vie avait été rude et pleine de souffrance, offrait à son armée le spectacle de la beauté de la non-mort, la fierté de ceux qui se battent pour leur existence et leur liberté.

-Soldats réprouvés, commença-t-elle en abaissant sa capuche, nous sommes ici pour notre peuple, pour notre nation. Nous sommes ici pour abattre ces maudits worgens et tous ceux qui soutiennent Gilnéas. Ce misérable royaume ose encore se dresser face à nous sur nos terres, et il doit payer cet affront ! De notre vivant nous nous sommes battus pour vivre et protéger nos terres, et aujourd’hui encore nous prenons les armes. Gilnéas sera aux Réprouvés !

Tandis que la Dame Noire exhortait ses troupes au combat, Jordiah, qui avait retrouvé sa vivacité d’esprit, commença à réfléchir plus amplement à sa nouvelle condition. Un non-vivant pouvait sans crainte étudier de manière approfondie les sciences démoniaques, il était encouragé par son peuple et respecté. Et cette elfe, Sylvanas, avait un don pour mener ses sujets qui en faisait un leader plus qu’apprécié par son peuple. Peut-être trouverait-il auprès des Réprouvés la vie qu’il n’avait pas eu dans son royaume fermé et arrogant. Il avait fait le bon choix. Il le savait.

Chapitre II : Le Feu de la Vengeance

Lorsque la Reine Banshee partit vers le front gilnéen avec son escorte pour prendre part à l’assaut, le responsable du groupe de Jordiah informa ses soldats. Ils devaient suivre leur Reine et éliminer chaque ennemi qu’ils croiseraient. Mais contrairement aux autres, la mission de ce groupe ne s’arrêtait pas là. Les apothicaires, des réprouvés qui travaillaient pour créer une peste puissante et efficace, avait besoin d’herbes et d’autres ingrédients, ainsi, une dizaine d’herboristes et alchimistes de la Société Royale des Apothicaires se rajouta aux soldats.

Ce fût l’occasion pour l’apprenti démoniste de se familiariser avec cette organisation qui recrutait toujours plus, il obtint alors un poste en tant qu’apprenti et fût prié de se présenter aux apothicaires de Fossoyeuse dès son retour du front. La troupe avançait lentement dans les bois, entourée par des arbres sombres et tortueux. Des bruits de branches cassées se faisaient entendre, cependant ce n’étaient pas des animaux sauvages. Les worgens avaient des espions partout, mais aussi braves et forts soient-ils, ils ne faisaient pas le poids face à un déploiement de réprouvés aussi important.

Le groupe se sépara sur ordre du commandement, les ordres étant transmis par l’Appareil de Communication Réprouvé (A.C.R.), les apothicaires, Jordiah et deux soldats se détachèrent du groupe pour inspecter un petit hameau abandonné et tenter de trouver du matériel. Un apothicaire du nom de Mernall entra avec Jordiah dans une sombre masure d’architecture typiquement gilnéene.

-Bien sûr, nous n’allons pas nous contenter d’inspecter, ricana le réprouvé en robe noire, nous réquisitionnons cette place pour en faire un laboratoire de fortune, pour la Dame Noire. Prenez ce sac là-bas et amenez-le par ici, prenez aussi vos bourses d’herbes et triez les plantes par espèce je vous prie.

Jordiah s’exécuta, visiblement habitué à séparer les différentes herbes pour préparer des élixirs, ne mit pas longtemps à étaler le fruit de sa cueillette : pacifique, feuillargent, terrestrine et mage royal. Mernall sortit quelques flacons et ballons en verre vides, alluma un petit feu sur une table et commença à disposer son matériel autour des flammes naissantes. Il sortit ensuite quelques bocaux remplis d’ichor dans lesquels flottaient des organes d’animaux pestiférés qu’il installa sur le mobilier encore présent dans le bâtiment.

-Vois tu, continua l’apothicaire, depuis la trahison de Putrescin, nous sommes étroitement surveillés par le reste de la Horde, et maintenant que c’est ce gros tas sans cervelle de Garrosh qui tient les rênes, nous avons quelques difficultés à continuer nos recherches…alors nous le faisons un peu partout. Cependant, grâce aux travaux de la Société Royale des Apothicaires, notre Peste Chancreuse est plus que viable, et elle va nous servir à éliminer la résistance de ces merdeux de gilnéens.

-Mais, objecta le démoniste qui avait retrouvé toute sa clairvoyance, le Chef de Guerre ne s’oppose-t-il pas à son utilisation ?

-Oh, bien sûr qu’il n’est pas d’accord, d’ailleurs, la résurrection de masse par les Val’kyrs ne lui plait pas non plus…Cependant, tant que ça ne se voit pas, notre marge de manœuvre est très large, répondit-il avec un large sourire vicieux à son interlocuteur. Et puis, vous ne regrettez pas cette nouvelle vie ?

-Bien sûr que non ! Entre une vie de misérable larbin du royaume et une existence au sein d’un peuple dépourvu de préjugés sur les pouvoirs de l’ombre et fidèle à sa reine, le choix est vite fait !

-Eh bien, on vous a bien choisi ! Mon intuition me dit que vous irez loin ! Notre nation a besoin de gens comme vous, je vous recommanderai auprès de Fossoyeuse, dit Mernall avant de continuer à aménager son laboratoire.

Dehors, les autres apothicaires vidaient le peu d’abris qui restait: livres, vêtements, mobilier, tout ce qui pouvait être brûlé était balancé au milieu d’un foyer improvisé à même le sol. Après avoir rapidement barricadé le hameau, les deux soldats dépêchés avec le groupe posèrent un énorme chaudron trouvé dans un des bâtiments sur les flammes. Le campement fût établi en quelques heures, mais la nuit tombait déjà. Cependant, il n’y a pas de repos pour les non-vivants, alors chaque alchimiste du détachement Réprouvé s’affairait tandis que les soldats montaient la garde.

Soudain, l’A.C.R. s’enclencha, le reste du déploiement était arrivé aux bords des canaux entourant la sombre cité de Gilnéas. Dame Sylvanas supervisait elle-même l’opération pour mettre un terme à la résistance, les Réprouvés étaient prêts. Avec leur Reine à leurs côtés, rien ne pouvait leur barrer la route. Lorsque l’appareil crachota les derniers mots, la communication prit fin. On salua la force de la nation réprouvée autour du feu, à grand coup de bière gobeline et de rires caverneux. Bientôt, la région serait aux mains de Sylvanas et de son peuple, les Royaumes de l’Est tomberaient eux aussi aux mains des habitants de Fossoyeuse.

Mais quand Mernall s’en alla chercher une de ses nombreuses fioles, il n’eut pas le temps de ressortir de son laboratoire de fortune. Un horrible monstre lupin se saisit de l’apothicaire, ne lui laissant aucune chance de survie lorsqu’il le décapita avec ses longues griffes tranchantes. Les cris alarmés des autres réprouvés à robe noire alertèrent les deux gardes qui accoururent, l’épée à la main. Deux autres worgens surgirent des fourrés et se saisirent chacun d’un alchimiste avant de les jeter dans les flammes près du chaudron.

-Apothicaires ! Préparez les fioles de peste ! Nous allons les retenir ! hurla l’un des gardes, Jordiah, rendez vous utile, allez ! Pour Sylvanaaaaas !

Les gardes chargèrent le bâtard gilnéen qui avait assassiné Mernall, paralysé par une des potions que l’apothicaire avait fait tomber en mourant. La créature n’eut pas le temps de se protéger, deux épées lui tranchèrent les jambes, il s’effondra en hurlant. Les autres apothicaires s’étaient regroupés dans une des bâtisses, ils s’étaient enfermés avec les deux monstres poilus et tentaient de les repousser avec les élixirs. Jordiah réussit à lancer quelques sorts qui faisaient s’enfler les veines des bras des worgens. La corruption gagnait tout leur corps quand les deux gardes arrivèrent pour leur planter leurs épées dans l’abdomen, répandant leurs entrailles sur le sol. Ils étaient sauvés. Mais la porte se verrouilla d’elle-même. Ils étaient vivants mais piégés. Un bruit de bouteilles cassées et une détonation retentirent et firent vibrer la pièce.
-Maudites abominations, craignez la fureur du Seigneur Crowley ! Brûlez pour la gloire de Gilnéas ! cria une voix bestiale au moment ou les flammes dévorèrent la charpente de l’abri qui s’était révélé être une prison mortelle.

-Mes frères, aujourd’hui nous mourons Réprouvés ! Notre peuple nous vengera ! Gloire à la Dame Noire ! acclama l’un des soldats avant de mourir, écrasé par une poutre enflammée. Les autres non-vivants brûlaient, se tortillaient de douleur avant de connaître la vraie mort.

-Non ! Je ne peux pas mourir ! Pas à l’aube de cette nouvelle existence ! Trop de pouvoirs m’attendent ! Ca ne peut pas se terminer ainsi ! fulmina Jordiah dans son esprit.

-Oh bien sûr que non ! ricana une petite voix aigue, désagréable, qui s’insinuait dans les pensées du réprouvé, tu peux vivre et tu vas vivre ! Prend le grimoire dans ta poche, et lis à voix basse la troisième ligne de la deuxième page. Fais-le et tu vivras !

Après un effort terrible, le démoniste sortit son opuscule et réussit à obéir à la voix. Un abject petit diablotin apparut depuis les flammes et se rapprocha de celui qui l’avait invoqué.

-Hé bien enfin ! lança le petit démon, ton maître ne t’avais donc pas prévenu ? Je suis ton familier, vaut mieux que tu vives là, sinon je crève comme une merde moi aussi ! Maudit pacte de sang ! Allez, bouge de là !

La petite créature infernale plaça un bouclier de flammes autour de son maître pour lui permettre de partir, il trépignait d’impatience quand le démoniste s’extirpa de la masure fumante. En vie.

-Et maintenant, lâcha Jordiah en haletant, je dois rejoindre la Dame Noire. Et toi misérable chose, tu vas me suivre ! Je connais assez bien les démons pour savoir que sans moi tu ne peux exister ici, et je doute fort que tu apprécies le Néant Distordu ! Allez, en route !

Chapitre III : Le Courroux de la Reine Banshee

-Soldats ! Bouclez le périmètre, archers, en place ! Défendez nos positions !

-Ma Reine, notre armée a percé le front et s’est emparé de la ville mais les rebelles tentent de reprendre Gilnéas ! Et ils ne sont pas seuls, les worgens de Crowley sont là aussi ! Ils sont en train de massacrer nos troupes !

-Maudits bâtards ! pesta Sylvanas, nous allons leur faire payer ! Prévenez vos hommes, nous allons regrouper le commandement ici, dans le quartier royal ! Envoyez un messager et dites aux apothicaires de lâcher les abominations, nous allons avoir besoin de toute notre puissance !

Sur les ordres de la Dame Noire, le commandant talonna son destrier pour rejoindre ses troupes et s’acquitter de sa mission. Les coups de canons des rebelles faisaient voler en éclat les barricades, projetant des morceaux de bois sur les rues de la ville. Les archers réprouvés tiraient sur ceux qui tentaient de passer au travers, criblant leurs cibles de flèches tandis que les guerriers éliminaient les survivants à coup de hache. Sylvanas savait que Gilnéas ne serait pas gagnée si facilement, mais la combativité des humains l’étonnait au plus haut point. Car ils étaient condamnés.

-SYLVANAAAAAAAS ! rugit une voix pleine de haine en direction de la forestière morte-vivante

-Genn Grisetête ! vociféra la banshee, te voilà enfin, pitoyable insecte ! Regarde, ta ville, ton royaume, tout est perdu ! Nous marcherons bientôt sur vos corps et sur ce qui restera de votre cité ! Soldats, à l’attaque !

Crowley et ses worgens firent également irruption dans le quartier royal, ils étaient prêts à déchiqueter chaque réprouvé qui tomberait entre leurs mâchoires. Les troupes de Sylvanas étaient déjà tombées dans des embuscades meurtrières orchestrées par ces hommes-loups dans les Pins Argentés, mais cette attaque était la plus sauvage que les soldats de Fossoyeuse eurent à repousser. Le chaos était total sur la place.

***

-Maître, la Dame Noire est dans le quartier royal, informa le diablotin

-Alors suis moi faible créature, dépêche-toi ! ordonna le démoniste

Jordiah avait une chance de briller au sein de son nouveau peuple, il ne laisserait pas passer cette occasion. Il informerait la Reine Banshee que les worgens de Crowley avaient décimé un groupe de réprouvés, il irait ensuite se battre à ses côtés pour prouver sa valeur.

L’ombremage et son familier avançaient, dissimulés dans l’ombre des voies pavées de Gilnéas. Jordiah connaissait ces rues, au prochain croisement, ils descendraient un escalier pour tourner à droite et rejoindre le quartier où se trouvait Sylvanas. C’était un plan parfait. Mais quand le réprouvé vit un worgen lui barrer la route, il douta de son sens de l’orientation.

La bête se lance, envoie sa patte en l’air pour frapper le démoniste, celui-ci projette une malédiction de faiblesse puis réussi à parer de son bâton le coup de griffe. Le worgen grogne, tente de mordre son adversaire, Jordiah recule au moment où une boule de feu vient se loger dans la gueule béante du monstre.

-Bah quoi ? On peut plus s’amuser ? plaisanta le diablotin en contemplant le cadavre fumant qui s’étend aux pieds de son maître.

-Je ne te remercie pas, répliqua Jordiah, maintenant, allons-y !

***

-Ravi de vous revoir Crowley ! lança Genn à son vieil ennemi

-Trêve de bavardages, le coupa le worgen, débarrassons notre royaume de ces macchabés !

Les rebelles attaquaient en groupe, fusillant de nombreux soldats réprouvés sur leur passage, et grâce à l’assaut des troupes de Crowley, l’armée ennemie commençait à battre en retraite. Mais Sylvanas vaincrait coûte que coûte, elle en était persuadée. Soudain, les gilnéens furent en vue du commandement réprouvé. L’elfe arrachée à son ancienne vie talonna son destrier squelettique pour faire face à ses soldats tout en gardant un œil sur ceux qui se rapprochaient pour en finir avec elle.

-Soldats, peuple Réprouvé, hurla-t-elle pour motiver ses hommes, aujourd’hui, nous livrons bataille pour assurer la pérennité de notre espèce, nous allons anéantir ce royaume, cette insulte à notre gloire éternelle ! Battez-vous jusqu’à la mort ! Chargez !

Il n’en fallut pas plus pour envoyer le déploiement des meilleurs guerriers non-vivants, avec leur arrivée, la place se transforma en une mer de cadavres, de membres épars et de sang. Le fer retentissait dans tout le quartier, la fumée des lanternes brisées brûlait les yeux des combattants qui en avaient encore.

Dans les débris enflammés, une ombre apparu, suivie d’une autre plus petite. Jordiah avait trouvé le chemin et se dirigeait vers sa reine. Il la vit se battre avec grâce et fureur, tantôt frappant un gilnéen de ses lames elfiques, tantôt transperçant les crânes de ses adversaires de ses flèches, tirées avec précision. Elle était l’incarnation même de la mort, implacable, froide et belle dans l’exécution de son œuvre. Profitant d’une accalmie, il se rapprocha de sa souveraine, lui expliqua en quelques mots la situation. Elle écouta, cracha à la mention des worgens et de leurs attaques. Elle jura ensuite d’accrocher la dépouille de Genn et Crowley sur les murs de Fossoyeuse. Elle le congédia, le priant de se battre avec toute la ferveur dont il pourrait faire preuve.

***

Après une bataille dans les cris et le sang, Sylvanas, lasse, mit fin aux affrontements. Son cri de Banshee paralysa les gilnéens, qu’ils soient worgens ou rebelles. Mais Genn, en rassemblant toute sa haine, tenta de frapper la Souveraine des réprouvés. Elle ne lui laissa pas l’occasion de la tuer. La flèche partit, et se ficha dans la chair.
Mais Genn était en vie, agenouillé aux côtés de son fils, Liam, qui venait de se sacrifier pour le sauver.

Sur les ordres de Sylvanas, les réprouvés se retirèrent, vainqueurs. Les gilnéens seraient chassés, sauvés par les elfes de Darnassus. Les apothicaires, pour assurer leur victoire, répanderaient leur peste sur la cité en dépit de l’interdiction de Garrosh. Mais les worgens de Crowley et d’Ivar Croc-de-sang continueraient plus tard à mener des attaques sur les réprouvés. L’issue définitive de la guerre n’était pas encore déterminée, d’autres se battraient pour la domination de Gilnéas…

Chapitre IV : Les Profanateurs

Sur le chemin pavé menant à la salle du trône, une silhouette encapuchonnée et vêtue de noir marchait à grands pas. Elle arriva dans la pièce où autrefois le roi Terenas Menethil siégeait, tourna à gauche puis traversa un couloir qui s’enfonçait dans la crypte royale et disparut derrière un mur qui venait de s’affaisser. L’étrange visiteur ressortit plusieurs dizaines de mètres en dessous de la surface et contempla le spectacle qui s’offrait à lui. Fossoyeuse, la capitale de la nation réprouvée s’étalait à perte de vue devant le voyageur. Il descendit plus bas, longea des canaux emplis d’un étrange liquide verdâtre et se rendit dans un quartier d’où sortait des relents que les non-vivants ne semblaient pas remarquer. Après avoir tendu sa lettre à un réprouvé derrière un comptoir parsemé de livres et de fioles, il suivit la direction qu’on lui avait indiquée. Il avançait dans le couloir, telle une ombre, vers l’endroit d’où l’on entendait les fragments d’une conversation animée. L’homme à la capuche, déboucha dans une grande salle et découvrit les locaux de la Société Royale des Apothicaires : une vaste pièce dans laquelle étaient entreposés des morceaux de corps suspendus à des crochets, des cages, des bureaux envahis par du matériel d’alchimie, des étagères pleine à craquer de livre et de bocaux. Puis il les vit en train de discuter, ou plutôt de se disputer.

-Le Chef de Guerre a pourtant été clair ! grogna énergiquement un orc, nous ne laissons pas vos enflures d’apothicaires sans surveillance. On a bien vu ce qu’ont donné leurs expériences au Portail du Courroux !

-Mais vous savez pertinemment que ce regrettable incident n’était pas de notre fait, protesta un réprouvé démantibulé qui devait se servir de la magie pour parler, nous ne sommes pas des fidèles de Putrescin !

-Laissez, Faranell, ordonna une forestière sombre qui n’était autre que Sylvanas Coursevent. Surveillant, je vous demande seulement de quitter cette pièce le temps que je m’entretienne avec mes apothicaires royaux, vous n’avez rien à craindre. Du moins, si vous obéissez…

-Bien, mais je reviens dans moins de dix minutes ! avertit le peau-verte, pas très rassuré du ton qu’employait le leader des Réprouvés. Bougez de là vous ! lança-t-il au nouveau venu qui observait la scène.

-Ah ! Vous, je vous connais, remarqua Sylvanas en désignant le visiteur imprévu qui venait d’abaisser sa capuche. Vous êtes ?

-Jordiah Mower votre majesté, répondit le démoniste, j’apporte ceci à maître Faranell

La banshee prit des mains le papier que l’ombremage tendait à l’apothicaire

-Alors, Jordiah Mower, commença l’elfe en lisant à voix haute, l’apothicaire Mernall vous recommande à la Société Royale ? C’est donc bien vous que j’ai croisé à Gilnéas…je suis sûr que Faranell se fera un plaisir de vous présenter à vos nouveaux collègues. Bienvenue parmi les alchimistes de Fossoyeuse. Faranell, je dois partir, nous discuterons plus tard, je vous attends dans les quartiers royaux pour le conseil qui va se tenir. A plus tard.

La Reine Banshee se dirigea vers la sortie avec son escorte d’élite que Jordiah n’avait pas vue en arrivant. Le maître apothicaire fit visiter les lieux à son nouvel apprenti, la Société engageait de nombreux réprouvés depuis quelque temps et celui-ci ferait sûrement un excellent travail, comme tous les apothicaires zélés que comptaient les rangs de la nation des non-vivants. Il lui parla à voix basse car l’orc était revenu et les surveillait d’un œil suspicieux. Puis, au grand étonnement du démoniste, l’alchimiste à la mâchoire arrachée lui proposa de faire partie de la délégation représentant la Société Royale des Apothicaires qui irait prendre part au conseil dont avait parlé Sylvanas quelques instants plus tôt. Bien évidement, il accepta cet honneur qui le rapprochait des plus puissants.

La réunion ne fût pas longue, Jordiah avait observé chaque personne qui y assistait. Il avait vu des orcs, des elfes de sang mais aussi un groupe de réprouvés qui se faisait remarquer par ses remarques pleines de bon sens et ses réflexions poussées. Au fil des discussions il avait compris qu’il avait à faire aux Profanateurs, un contingent d’élite de l’armée réprouvée qui brillait par ses attaques et ses expéditions contre l’Alliance. Au moment où tous quittaient la salle, le démoniste se détacha du groupe des apothicaires et partit rapidement jusqu’à la bibliothèque pour se renseigner plus amplement sur les Profanateurs.
Il feuilleta longuement les différents ouvrages disponibles sur le sujet, jusqu’à ce que, le libraire, intrigué par son visiteur, lui demande ce qu’il cherchait. Il ramassa sur son bureau un parchemin que les Profanateurs lui avaient remis il y a peu de temps. Le document invitait chaque réprouvé intéressé à se présenter dans le cimetière extérieur de la Forteresse des Profanateurs. Jordiah n’eut pas à réfléchir longtemps. Le pouvoir était à sa portée. Aux côtés des Profanateurs, il pourrait obtenir la puissance qu’il désirait et servir son peuple. Il irait se présenter.

Il serait Profanateur.

Chapitre V : Viens, frère.

(les dialogues de ce chapitre sont tirés des réponses postées sur le forum des Profanateurs suite à la postulation de Jordiah)

-Idiot ! Misérable merde du Néant ! Je savais que tu allais nous perdre !
-Mais maîîîîîîîîître…

-Il n’y a pas de mais, stupide diablotin ! Débarrasse le plancher immédiatement !

D’un revers de main, le réprouvé renvoya le démon dans le Néant. Il s’avança lentement vers le cimetière qu’on lui avait indiqué et qu’il avait cherché à atteindre le plus vite possible. En cherchant la tombe que le libraire lui avait conseillée, il s’était perdu. Mais son intuition le fit se retourner vers une sépulture, celle qui était là pour lui. Après avoir lu les inscriptions, il exécuta le rituel gravé sue la pierre tombale.

-Sombrejour à vous Seigneurs réprouvés, commença-t-il à voix haute, Maîtres des Profanateurs ! Moi, Jordiah Mower, démoniste et apothicaire, suis ici pour vous soumettre ma volonté de servir la Dame Noire avec plus de ferveur que vous ne pourriez l’imaginer. Je me mets au service de la Reine Banshee car elle seule peut dominer Azeroth et annihiler l’Alliance ! Je m’engage à servir Dame Coursevent et les Profanateurs jusqu’à la vraie mort ! Désormais, je laisse mon destin entre vos mains, mais ne faites pas l’erreur de me refuser dans des temps si éprouvants. Toute aide est bonne à prendre…

Lorsque Jordiah finit de se présenter au vide qui pesait sur le cimetière, le silence revint. Puis un bruit d’épée frappée sur le sol retentit. Le démoniste se retourna et, au loin, distingua trois Réprouvés. Trois Profanateurs.

-Sombrejour à toi, lança le premier. Je suis l’Exécuteur Amoud. Je te laisse entre les mains des Grands Exécuteurs Pazulu et Arkérès que voici. Peut-être nous croiserons nous un jour…

-Jordiah c’est bien ça, commença un des Grands Exécuteurs en s’avançant d’un pas lent vers le nouveau venu, tu es une nouvelle recrue, et qui plus est un adepte des arts démoniaque. Sombrevenue à toi, tu as choisi une noble discipline, ta route ne sera pas sans embûches, mais moi, Pazulu, je veux bien te prendre sous mon aile pendant quelques temps, et voir comment tu te débrouilles. Nous avons besoin de valeureux et loyaux combattants, continua-t-il, si tu es prêt à donner ta non-vie pour servir la Dame Noire, et par la même occasion notre Ordre, je t’accorde le droit de nous rejoindre.

-Maître Pazulu, répondit Jordiah impressionné par la faux du Grand Exécuteur, je suis très honnoré de rentrer dans vos rangs, et plus encore d’être votre apprenti. Je me soumet tout entier à votre volonté et à celle de la Dame Noire.

-Qu’il en soit ainsi, déclarèrent ensemble Pazulu et Arkérès, Sombrevenue parmi nous, frère!

Chapitre VI : De l’ombre du vide

Depuis son entrée dans l’Ordre des Profanateurs, Jordiah avait été envoyé dans les territoires Réprouvés pour les défendre et assurer la défaite de l’Alliance dans le nord des Royaumes de l’Est. Revenant régulièrement à la Forteresse de l’Ordre, il se plongeait longuement dans les ouvrages traitants de la naissance et de l’histoire de son nouveau peuple et bien évidement de la démonologie. Sous l’aile de son maître Pazulu, il avait progressé rapidement, fasciné devant les pouvoirs du Grand Exécuteur. S’étant orienté dans la voie de la démonologie et, à l’occasion, de l’affliction, Jordiah comptait bien apprendre à maîtriser la métamorphose. Car pour lui, cette transformation démoniaque était l’aboutissement d’un travail acharné qui le rapprochait toujours un peu plus du pouvoir.

Quant aux démons, le démoniste avait appris à invoquer des créatures plus utiles et moins désagréables que son diablotin Tarrot. Quoique, le gangregarde qu’il avait asservi aurait sûrement été ravi de planter sa hache dans son maître s’il en avait eu l’occasion. Alors Jordiah, par souci de tranquillité et d’efficacité, avait fait d’un chasseur corrompu, Shaadun, son familier favori. Le démon reptilien, que certains appelaient à tort gangrechien, se révélait particulièrement efficace contre un ennemi seul, en particulier contre les mages et autres lanceurs de sorts.

Toujours avide de pouvoir et en quête du sort de transformation, il se rendit jusqu’en Outreterre. Lorsque Jordiah passa la limite du portail qui reliait Azeroth et le nouveau visage de Draenor, il put sentir les nombreux flux d’énergies qui émanaient du néant pour converger vers un point de passage, il était imprégné de toute la force chaotique libérée par la Porte des Ténèbres. Le spectacle qui s’offrait au Réprouvé quand il posa un pied sur le sol de l’escalier du destin était celle d’une terre aux tons rouges, rongée par la corruption et la gangrène démoniaque. Un monde souillé par le passage des démons et l’utilisation du Néant Distordu. Un monde en ruines. Le Profanateur savait où il devait se rendre, le sort de Métamorphose avait été maîtrisé par le Traître, par Illidan Hurlorage, et ses secrets étaient sûrement enfouis au plus profond du Temple Noir, dans la vallée d’Ombrelune. Impassible, déterminé, Jordiah savait que le voyage serait long, épuisant et dangereux. Mais, Draenor, brisée par l’énergie du néant, possédait suffisamment de ressources pour permettre à n’importe quel sorcier de se téléporter…

Le Démoniste s’était déjà habitué à puiser dans le Néant Distordu l’énergie dont il avait besoin, ainsi, l’instabilité des arcanes ne le perturba que très peu. À Ombrelune, non loin de l’ancien temple de Karabor, devenu le repaire d’Illidan, l’air crépita brièvement avant que l’espace ne se distorde pour laisser apparaître une forme vêtue de noir. Le ciel, une immensité sombre et pesante, était continuellement bombardé par des infernaux et d’autres météores de la Légion Ardente.

Jordiah marchait depuis peu de temps lorsqu’il s’arrêta, bouche bée, devant le ténébreux Temple Noir. Ce qui avait autrefois été un havre de paix et un lieu de prière pour les Draeneis, des créatures reptiliennes désormais sous la bannière de l’Alliance, était devenu, avec l’arrivée des démons puis du Traître, une forteresse terrifiante aux salles cachant de nombreuses horreurs. Mais depuis la chute des Illidaris, le temple faisait l’objet d’une surveillance accrue sous l’œil attentif des naarus, ainsi que de l’Aldor et des Clairvoyants, deux groupes affiliés à la ville sanctuaire de Shattrath. Le mort-vivant tenta de passer quand un garde lui barra la route.

-L’accès à ces lieux est interdit, annonça l’elfe de sang. A moins que vous ne soyez reconnu par l’Aldor ou les Clairvoyants. Ou bien que vous ayez participé à la chute du Traître ce dont je doute fort.
-Je suis Jordiah Mower, Profanateur au service de la Reine Banshee, clama-t-il, en tant que membre du peuple Sin’dorei, vous devez vous plier à la volonté de Dame Sylvanas. Et j’en suis le représentant ici.

-Sylvanas Coursevent ? Allégeance ? cracha le garde en riant amèrement. Nous ne dépendons que de nous même, nous sommes un des bras de Shattrath. Et ce qui concerne les elfes de la Horde ne nous concerne pas. Personne ici ne connait votre nom. Vous n’irez pas plus loin.

-Je souhaite seulement accéder aux bibliothèques du temple, tenta le mort-vivant. Je ne serai pas long.

-Non. Et sachez que tous les ouvrages dangereux ne sont plus ici, mais en lieu sûr. Partez maintenant, ordonna le Clairvoyant sur un ton agacé.

Le démoniste, dévoré par le feu du pouvoir, ne pouvait pas échouer à ce moment. Comment pourrait-il rentrer à la Forteresse de l’Ordre sur un échec ? Qu’en penseraient ses frères ? Mais, plus important, qu’en penserait son Maître, celui qui l’avait guidé dans sa voie depuis le début de sa non-vie ? Jordiah n’était pas aveugle. Il avait beau être obstiné, il n’arriverait jamais à pénétrer dan le Temple Noir ou à trouver les traités sur les pouvoirs démoniaques. Pas en étant seul. Il y avait un autre moyen, le vide. Les dragons du néant, fils d’Aile de Mort, nés de la distorsion de Draenor par le Néant et le Chaos, savaient. Ils étaient sûrement les créatures les plus proches du Vide, et leur asservissement passé auprès des Illidaris leur avait appris beaucoup de choses sur le Démon Hurlorage. Il avait un nouveau plan. Il irait jusqu’aux confins d’Ombrelune, là où le Vide étend son ombre. Sur l’escarpement de l’Aile du Néant.

Chapitre VII : L’aile de la nuit

Un autre portail démoniaque s’ouvrit, laissant passer un Jordiah déterminé à percer les secrets d’Illidan. Il se dirigea à grands pas vers un promontoire rocheux parsemé de cristaux. Le démoniste s’immobilisa près d’un rocher et invoqua son chasseur corrompu.

-Shaadun, ordonna-t-il, trouve un œuf de dragon. Cherche une trace d’énergie du néant, rapporte moi ce que tu auras trouvé. Maintenant, va !

Le démon familier répondit par un grognement sourd avant de se lancer à la recherche de l’objet convoité par son maître. Le plan de Jordiah était simple, il trouverait un œuf, le ramènerait au seigneur Barthamus à Shattrath qui, pour récompenser l’effort, le recommanderait auprès de Neltharaku, le gardien des dragons de l’Aile du néant. Le dragon lui livrerait alors les secrets du Traître et peut-être même l’emplacement des parchemins de magie noire.

Le Profanateur fut interrompu dans ses réflexions par le cri strident de son démon. Il avait trouvé un œuf. Mais il y avait un problème. Il n’était pas le seul. Shaadun n’était pas loin, en moins de cinq minutes, Jordiah le retrouva, il se battait contre un humain vêtu de pourpre et de noir.

- Donne-moi ça, sale bête ! hurla l’agresseur. Ces œufs sont la propriété du Marteau du Crépuscule !

Alors à ce moment, le mort-vivant réalisa qu’il allait avoir des difficultés à agir en toute tranquillité. Le Marteau du Crépuscule avait souffert depuis la mort de Cho’Gall et Néfarian, mais le Vol draconique Noir savait manipuler les œufs du néant pour créer des drakes du Crépuscule. Et celui que Shaadun avait déniché était promis à un autre avenir que celui que Jordiah imaginait pour lui.

Le Profanateur resta discret et hors de vue du sectateur, il contourna un rocher et se plaça à distance de son ennemi de façon à le frapper dans le dos. Il incanta alors un Feu de l’Âme sans être perturbé. Le crépusculaire n’eut pas le temps d’éviter le sort lorsqu’il se tourna, alerté par le bruit et la chaleur qui se rapprochait. L’œuf s’échappa des mains de l’humain embrasé, dans un élan de panique, Jordiah invoqua son marcheur du vide. Le démon avala le précieux dans son corps éthéré puis l’apporta paisiblement à son maître. Ce dernier l’arracha des mains du serviteur du vide puis le renvoya aussi sec.

Il commençait à invoquer son portail pour se rendre à Shattrath quand un éclat attira son regard dans la direction du cadavre fumant. Le mort-vivant s’arrêta une seconde puis, poussé par la curiosité, s’accroupi près de sa victime. En fouillant dans les restes, sa main heurta un tube de métal qu’il s’empressa d’ouvrir. Le parchemin était illisible, sûrement écrit en Kalimag, la langue des élémentaires, pensa le démoniste. Il rangea le rouleau dans son manteau, persuadé de pouvoir trouver un jour un traducteur, certain de percer les secrets de cette écriture étrange.

***

Au même moment, en Tirisfal, le destin du Grand Exécuteur Arkérès fût scellé lors de la Cérémonie du Sommeil. Le Fondateur de l’Ordre, après des années de loyaux services pour la Dame Noire, prit la décision d’être plongé dans un sommeil à priori létal, cependant, il serait toujours là, prêt à reprendre le combat le jour où il le jugera nécessaire. Avec la disparition d’un Grand Exécuteur, l’Ordre se reposa sur Pazulu et ses lieutenants.

***
Le jour déclinait dans la ville sanctuaire de Shattrath, mais les braseros allumés dans les rues et la lumière des Naarus permettait de voir malgré l’obscurité grandissante. Assis près des drakes de l’Aile du Néant, le Seigneur Barthamus remarqua au loin un étrange visiteur qu’il n’avait jamais vu auparavant. Mais ce n’était pas la drôle de démarche de l’inconnu qui l’intriguait, cétait le sac qu’il portait et qui dégageait une énergie familière. L’elfe se leva, pointant son regard sur celui qui se dirigeait vers lui. L’étranger posa son sac au pied de Barthamus. Avant que ce dernier puisse poser la moindre question, la toile s’enflamma et se réduisit en cendres, révélant un une pierre ovale, parsemée de cristaux.

-Je vous rapporte ceci, commença l’inconnu, en échange, je souhaite parler à votre Gardien.

-Je vous remercie d’avoir ramené l’œuf ici, répondit l’elfe, mais je ne vous connais pas. Je ne puis vous laisser voir celui que vous désirez.

-Je suis Jordiah Mower, disciple des Profanateurs. J’ai des questions à poser à Neltharaku, et je veux qu’il y réponde !

-Il n’est pas possible de lui parler maintenant !
lança l’autre. Je suis son représentant ici, mortel.

-Alors dites moi, je vous en prie, ce que vous savez sur la transformation d’Illidan ou sur l’emplacement des ouvrages qu’il a amassé. Dit Jordiah, tentant d’être moins agressif.

-Nous ne savons rien des pouvoirs de métamorphose du Traître. Quant à vos livres, j’ai bien peur qu’ils soient cachés là où vous ne pourrez jamais vous rendre. Votre quête de savoir est inutile. Vous êtes un démoniste, vous ne saurez rien de plus.

-Et l’œuf ? ricana le réprouvé, le visage déformé par un sinistre rictus. Vous le voulez ?

-Silence Mort-vivant ! ordonna Barthamus. Vous m’agacez ! Je garde l’œuf, prenez ce drake là-bas et partez. Dépêchez-vous de partir avec lui avant que je ne change d’avis. S’il vous supporte, bravo ! Sinon, il reviendra ici. Adieu maintenant.

Contrarié, Jordiah se dirigea vers le Dake Onyx désigné par son interlocuteur. Il l’emporta, non sans peine, hors de vue de l’elfe.

-Petit mort-vivant, tu veux que je sois à toi ? résonna une voix dans l’esprit du démoniste.

-Tu sais penser à ce que je vois, mais sais-tu obéir ? demanda le démoniste.

-Obéir ? je ne sais pas. Je suis un drake du néant. Je suis Noctaraku. Je suis à toi si tu veux. Tu peux être mon maître, mais je suis libre de partir.

-Tu ne m’as pas l’air si intelligent que ça. Trop jeune, répliqua le profanateur avant de mettre fin à la conversation. Suis-moi dans ce portail, nous allons sur Azeroth. Ne pose pas de questions, je ne veux pas t’entendre sans mon autorisation.

Noctaraku acquiesça puis se laissa emporter par le portail.

VIII : « Je suis le début de la fin »

A son retour de l’Outreterre, Jordiah découvrit un Azeroth à l’agonie. Aile de Mort, le Destructeur, assiégeait le Temple de Repos du Ver, assisté dans sa funeste tache par des sans-visages et les troupes du crépuscule. Des champions de la Horde et de l’Alliance se précipitaient en Norfendre pour aider les Aspects à vaincre le Wyrm Noir et arracher le monde aux griffes des Dieux Très Anciens et de leur corruption.

Durant les semaines qui suivirent son retour dans les Pins Argentés, le démoniste confia Noctaraku aux écuries de l’Ordre puis étudia de nouveau dans les bibliothèques de la Forteresse. De nouveaux Réprouvés s’étaient présentés pour servir la Reine Banshee, mais Jordiah n’en avait vu aucun. Profondément frustré par son échec sur l’ancienne Draenor, le sombre mage passait ses journées entre les grimoires obscurs de démonologie et les salles d’armes où il évacuait sa rage et sa colère.

Puis, le jour vint où Aile de Mort sombra dans le Maelstrom, défait par les mortels. La menace de l’Heure du Crépuscule n’était plus, mais d’autres défis restaient à relever. Les tensions croissaient entre l’Alliance et la Horde lorsque Jordiah reçut une lettre, cachetée du sceau du Grand Exécuteur Pazulu. La missive convoquait Jordiah Mower, Apprenti des Profanateurs, dans le quartier de la guerre à Fossoyeuse. Son Maître l’y attendrait. Le démoniste fût troublé par cette nouvelle, n’ayant pas osé parler à son supérieur depuis son retour d’Outreterre, ce dernier étant accaparé par toutes les affaires de l’Ordre, qu’il devait à présent régler sans l’aide d’Arkérès.

***

Peu de temps avant l’heure de sa convocation, jordiah se rendit à Brill où il se recueillit devant la statue érigée en l’honneur de Sylvanas Coursevent, sa Reine, sa raison de non-vivre. Puis, il chevaucha à vive allure son destrier de guerre squelette, arrivant rapidement dans les souterrains de l’ancienne Lordaeron. Il connaissait le chemin, après un pont qui surplombait les canaux de la ville, il se dirigea vers le quartier de la guerre, il pouvait déjà entendre le fracas du fer sur les mannequins d’entraînement, les cris des guerriers préparant leurs enchaînements. Alors, il Le vit. Le Grand Exécuteur, son maître. Pazulu. Jordiah se marcha vers lui, puis se mit à genoux, avec déférence et admiration pour celui qui le guidait.


-Jordiah…tu es venu, commença le réprouvé en habits de guerre. Aujourd’hui, je vais te tester, t’évaluer pour voir ce que tu es devenu depuis le temps. Attaque la cible ici, fais ce que tu as à faire.

L’apprenti s’exécuta. D’un revers de la main, il invoqua Shaadun, lança ses malédictions et déchaîna le feu démonique sur le mannequin inanimé, déjà éprouvé par d’autres combats. Il essaya de rester concentré, de ne pas rater ses sorts, de commander à la perfection son serviteur.

-TES MALEDICTIONS ! hurla son maître, d’une voix qui fit vibrer les parois des souterrains. DECHAINE TES POUVOIRS !

A bout de force, le démoniste puisa les dernières énergies gangrenées qu’il pouvait, acheva de consumer le bois de la cible. Puis il s’effondra, vidé. Pazulu s’approcha, d’un air grave. Son apprenti s’agenouilla avec difficulté devant lui, baissant la tête en signe de soumission.

-Tes pouvoirs ont augmenté depuis la dernière fois, expliqua le Grand Exécuteur. J’en suis ravi. Maintenant, laisse-moi te montrer ce que j’attends de toi, à un niveau tout autre, bien supérieur.

Les derniers mots furent prononcés d’une voix différente, plus profonde et sinistre, le corps du maître se déformait pour prendre l’apparence d’un démon. Jordiah s’inclina encore plus, ébahi par la puissance se dégageant du Démonologue qui lui faisait face. D’un simple mouvement de bras, le démon balaya les alentours d’un feu démoniaque qui réduit en cendre les mannequins, les rats et les cadavres qui gisaient ça et là.

-Lève-toi, ordonna Pazulu, retrouvant son véritable corps, retrouve tes frères Profanateurs dans le Quartier de la magie, je vous y rejoindrai.

Les deux non-vivants se séparèrent, l’un filant vers une destination inconnue, l’autre reprenant son souffle sur sa monture. Jordiah arriva devant le repaire des démonistes et des mages. Il y retrouva Sillina, une prêtresse qu’il avait déjà croisée dans les couloirs de la forteresse ainsi que deux autres réprouvés, sûrement ces nouvelles recrues dont on lui avait parlé. Ils se présentèrent, Malekyth le mage et Aposys le démoniste fou de detruction. Pazulu arriva sur son destrier et offrit à ses soldats de la Sombrebière, comme un homme à ses amis.

Mais ce moment de convivialité ne dura qu’un bref instant, le Grand Exécuteur ordonna que les Profanateurs rentrent dans le temple des démonistes. Il salua son ancien maître puis entama un long discours. Pour l’achever, il demanda à Jordiah de se placer au centre de la salle, s’approcha de lui et lui murmura quelques mots à l’oreille. Le démoniste se figea un instant, comme si un immense secret venait de lui être révélé. Puis il acquiesça. Le Grand Exécuteur se récula.

-Jordiah, puise les forces gangrenées qui t’entourent, sent les couler en toi ! Utilise l’incantation ! ordonna Pazulu.

Le corps de son apprenti palpita, parcouru d’éclairs pourpres, sa peau prenant une teinte violacée. Il poussa un cri sans fin, venu du fond des méandres du Néant Distordu. Il avait accomplit sa Métamorphose.

-Jordiah Mower, par ma volonté, et pour récompenser tes efforts et ta progression au sein des Profanateurs, je te fais Nécrogarde, et par là, je fais de toi mon disciple à part entière !

Les bras des Réprouvés présents se levèrent, tous saluèrent le démoniste. Jordiah était fier. Fier d’avoir pu satisfaire son Maître. Désormais, il possédait un autre fragment du pouvoir.

Chapitre IX : Le froid de la mort, refuge de la connaissance

Désormais en possession du sort de Métamorphose, Jordiah continua sa quête de puissance, examinant tous les documents qu’il trouvait dans les quartiers douteux de Lune d’Argent, le quartier de la magie de Fossoyeuse et la Faille de l’Ombre à Orgrimmar. Après des semaines de recherche, il mit la main sur un écrit plus qu’intéressant : L’Héritage des Maîtres. Le fragment devait provenir d’un ouvrage plus important mais contenait assez de savoir pour ne pas le laisser à la vue de tous. Des démonistes de toutes les races se seraient rencontrés afin de puiser leurs pouvoirs dans de nouvelles sources dégagées par le Cataclysme et l’Heure du Crépuscule. Jordiah copia les pages dans son propre grimoire démoniaque puis replaça le document.

Avec de nouvelles connaissances à portée de main, le démoniste commença à préparer de nouvelles recherches. Mais l’Ordre fit appel à lui pour piller la Citadelle de la Couronne de Glace. Le raid ne fût pas long, mais le sombre mage rapporta beaucoup de ce voyage depuis les confins gelés du Norfendre. Il avait trouvé de nombreuses études d’alchimie dans la Pesterie, et ramassé de nombreux objets emplis de puissance. Il pilla aussi quelques atours autrefois destinés aux nécromanciens du Culte des Damnés. Ses frères Profanateurs et lui portèrent la volonté de Sylvanas dans les salles de la Citadelle du défunt Arthas.

Passionné par les recettes et traités sur la Peste qu’il avait dénichée, il étudia plus en profondeur les sciences aux côtés des apothicaires de la Société Royale. Mais il ne s’arrêta pas là. Il proposa à ses supérieurs de créer un groupe d’apothicaires interne à l’Ordre afin de pouvoir travailler au mieux. Le projet mit du temps pour arriver jusqu’aux hautes sphères de l’Ordre et d’être étudié par le Grand Exécuteur et ses Lieutenants. Jordiah n’eut pas le temps d’approfondir son projet, il fut réquisitionné par le chef de guerre Garrosh.

Arrivé à Orgrimmar, on le plaça avec d’autres réprouvés dans des navires de guerre. Puis un représentant de l’orc à la tête de la Horde arriva à bord du vaisseau orné par des crânes et abîmé par les années passées sous les eaux.

-Vous êtes ici par ordre du chef de guerre, clama l’émissaire. Vous allez être envoyés sur un nouveau continent au sud, et ce pour affirmer la légitimité de la Horde sur ces terres et sa puissance illimitée. Vous serez notre avant-garde et préparerez l’invasion que nous mettons en place. Ravagez cette terre ! Lok’tar Ogar ! Pour la Horde !
Acclamé par des non-vivants inconscients du danger, l’orc quitta le pont, regardant le navire quitter Durotar, accompagné depuis les airs par une canonnière de dernière génération avec à son bord le général Nazgrim.

***

Echoués. En plein milieu d’une terre inconnue. Pour la Horde. Pour ce bouffon à tête d’ogre. Jordiah et les survivants réprouvés s’extirpèrent des flots brumeux de la Pandarie pour se réfugier dans des ruines. Très vite chassés par les troupes de l’Alliance, ils durent se faire de nouveaux alliés. Des singes, des hozens, de méprisables bêtes sans cervelles. Mais qu’est-ce qui avait pu pousser Garrosh à vouloir un trou pareil ?

***

Après quelques semaines à tenter de survivre, à aider les troupes du général Nazgrim et à côtoyer les pitoyables pandarens, Jordiah réussit à se trouver un coin tranquille loin des embrouilles de la guerre. Puisqu’il ne pouvait pas servir Sylvanas, il servit ses propres intérêts. Le démoniste erra de ruines en ruines, ramassant des artefacts puissants et anciens. Il fit la rencontre d’elfes de sang de la maison Celwë Belore, explora les recoins sombres de la Pandarie et étudia les maléfiques Shas, ces manifestations d’énergie négative qui avaient refait leur apparition depuis peu. Les pérégrinations et massacres perpétrés par le réprouvé attira le mystérieux Prince Noir. Ce dernier lui confia une mission, lui demandant de faire ses preuves. Mais tout ceci restait très énigmatique…

C’est un soir, alors que le sombre mage espionnait un groupe violent de Mogus au Sommet de Kun Lai, que son grimoire se mit à s’enflammer. Mais aucune des pages n’était abimée, seul un message aux lettres ardentes était marquait l’ouvrage démoniaque. Un message urgent. Des profanateurs. Il effleura les caractères de sa main osseuse et disparut. Le bruit fit tourner la tête aux mogus, mais ils ne virent rien.